Après la tentative de pression de François Bayrou sur Radio France et la plainte du ministère du Travail à la suite de la publication de documents dans «Libération», une vingtaine de sociétés de journalistes, dont celle des JT de M6, s'alarment de «signaux extrêmement préoccupants».
Le nouvel exécutif a-t-il un problème avec la liberté de la
presse ? Le 18 mai, nous nous étions inquiétés de la façon dont l’Elysée
organisait le voyage au Mali du président de la République, en sélectionnant
les journalistes chargés de couvrir ce déplacement. Pas question d’«imposer»
des choix aux rédactions, fut-il alors répondu. Or la semaine dernière, ce sont
cette fois deux ministres qui ont envoyé des signaux extrêmement préoccupants,
quant à la manière dont ils conçoivent l’indépendance des médias et la
protection des sources, ou plutôt leurs limites.
Mercredi 7 juin, quelques heures avant la diffusion par
France Inter de révélations sur des soupçons d’emplois fictifs d’assistants
parlementaires européens au Modem, François Bayrou, président de ce parti et
surtout garde des Sceaux, a appelé en personne le directeur de la cellule
investigation de Radio France pour se plaindre de prétendues «méthodes
inquisitrices», ajoutant qu’il étudiait, avec ses avocats, la possibilité d’une
qualification de «harcèlement»… Interrogé à ce sujet par Mediapart, il a eu
cette réponse qui laisse pantois : «Ce n’est pas le ministre de la Justice ni
le président du Modem qui a appelé, c’est le citoyen» !
Vendredi 9 juin, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a
annoncé que son administration avait porté plainte contre X pour «vol,
violation du secret professionnel et recel» après la publication, deux jours
auparavant dans Libération, de documents listant les pistes étudiées par son
ministère pour préparer la future réforme du code du travail. Une procédure qui
permet d’attaquer aussi bien les sources de Libération que le quotidien
lui-même.
Ces deux événements, particulièrement inquiétants, ne sont
pas les seuls motifs de préoccupation. Le 11 mai, En marche, le mouvement d’Emmanuel
Macron, a porté plainte contre la lettre d’information spécialisée la Lettre A
pour «recel d’atteinte à un système de traitement automatisé de données», après
un article s’appuyant sur des éléments tirés des «MacronLeaks». Et ce dimanche
11 juin au soir, Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires et
candidat d’En marche aux élections législatives dans le Finistère, a relégué au
rang d’«efforts méritoires» des journalistes contre sa personne les
investigations sur l’attribution d’un marché de location à sa compagne par les
Mutuelles de Bretagne, lorsqu’il en était le directeur général.
Face à la liberté d’informer, le nouvel exécutif fait le
choix de la tentative de pression, de la répression judiciaire et du procès
d’intention. «Continuez à nous irriter, car elle est là, la liberté», lançait
le même Richard Ferrand le 3 mai à la Maison des journalistes à Paris, lors de
la Journée mondiale de la liberté de la presse. Nous continuerons, à n’en pas
douter. Parce qu’informer le public est un devoir autant qu’un droit, et parce
qu’une presse libre et indépendante est essentielle à la démocratie.
Premiers signataires :
Les sociétés des journalistes de l’AFP, Alternatives
économiques, BFM TV, les Echos, Europe 1, l’Express, France 2, Rédaction
nationale de France 3, l'Humanité, Libération, les JT de M6, Mediapart, le
Monde, l’Obs, le Point, Premières Lignes Télévision, Radio France, RFI, RMC,
RTL, Télérama, la Vie et les rédactions du Bondy Blog, Dream Way Production,
LaTeleLibre.
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