mardi 2 juillet 2019

Société civile contre secret des affaires


La transposition en droit français de la directive européenne protégeant le secret des affaires, en juillet 2018, avait fait planer une menace sur nos libertés fondamentales et provoqué une levée de boucliers de la société civile.

Alors que les défendeurs de ce texte avaient assuré qu’il ne porterait pas atteinte à la liberté de la presse et au droit à l’information, quatre mois après la transposition, le journal Le Monde devait d’ores et déjà voir sa capacité d’investigation entravée. Dans le cadre de l’enquête « Implant Files », qui a révélé que les dispositifs médicaux (défibrillateurs, pompes à insuline, prothèses de hanche) ont fait des centaines de morts, le journal s’est vu refuser l’accès à la liste des dispositifs ayant reçu un certificat de conformité. Ce refus est basé sur le secret des affaires.


La CADA (commission d'accès aux documents administratifs), dans une décision inique, estimait que les secrets pèsent plus lourd que le droit à la santé, l’information et la protection des citoyens et confirmait les craintes légitimes de la Société civile au moment de l’adoption de ce texte.

Pourtant, la loi elle-même prévoit que le secret des affaires ne peut pas être opposé aux médias, aux lanceurs d’alerte et aux syndicats, des acteurs essentiels de toute démocratie.

Le Monde a contesté ce refus devant le Tribunal administratif de Paris.

Le 27 juin 2019, 36 associations et médias ont décidé d’intervenir dans ce litige pour demander à la Justice qu’elle protège la liberté de la presse, à plus forte raison lorsqu’elle enquête sur un sujet d’intérêt général aussi important que la santé.

https://societecivilecontresecretaffaires.org

Réforme de la loi de 1881 : une nouvelle atteinte à la liberté de la presse

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Sous le prétexte de lutter contre les « discours de haine » sur Internet, le gouvernement envisage de sortir l’injure et la diffamation de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, pour faire rentrer ces délits de presse dans le droit pénal commun. Annoncée par la ministre de la Justice Nicole Belloubet, confirmée par le ministre de la Culture Franck Riester, ministre de la Justice, cette réforme porterait un coup extrêmement grave à la liberté de la presse, garantie par ce texte fondateur de la liberté d'expression.

Sortir la diffamation de la loi de 1881 reviendrait à vider de sa substance cette loi, et à remettre en cause le principe fondamental de ce texte selon lequel en matière d’expression, la liberté est le principe et le traitement pénal son exception. Aujourd’hui, les délits de presse sont jugés essentiellement par des sections spécialisées, comme la 17e chambre à Paris, considérée comme la Chambre de la presse.

Faire basculer les délits de presse dans le droit pénal commun reviendrait à contrecarrer les acquis de la jurisprudence en matière de droit de la presse, qui permet aux journalistes de faire valoir leur bonne foi en démontrant le sérieux de leur enquête, devant des magistrats spécialisés.

Journalistes jugés en comparutions immédiates ?

Cette réforme aurait pour conséquence de fragiliser l’enquête journalistique, en facilitant les poursuites aujourd’hui encadrées par le délai de prescription de trois mois, et une procédure très stricte, volontairement protectrice pour les journalistes. A l’heure des intimidations, rendre possibles des comparutions immédiates pour juger les journalistes enverrait un message extrêmement fort aux groupes de pression divers et variés, aux ennemis de la liberté, à tous ceux qui ne supportent pas la contradiction et ne rêvent que d’une presse et des médias aux ordres.

Ce gouvernement a-t-il un problème avec la liberté de la presse ? Il semblerait que oui. La transposition de la directive européenne sur le secret des affaires, votée par cette majorité, a ouvert une nouvelle voie aux lobbies, un nouvel outil dans l’arsenal juridique pour multiplier les procédures-bâillons.

La loi Fake News, qui intime au juge des référés de « dire la vérité » en 48 heures, et élargit encore les prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), porte en elle les germes de la censure. Et le projet annoncé de réforme de l’audiovisuel annonce un nouveau renforcement des compétences du CSA sur le champ de l’information.

Faut-il le rappeler ? Cet organisme dont les membres sont nommés par le pouvoir politique n’a rien d’une instance indépendante. Enfin, malgré son rétropédalage, les récentes déclarations du secrétaire d'état au numérique sur la création d'un conseil de l'ordre des journalistes sont plus qu'inquiétantes.

Violences policières et déni

Dans la logique d’une dérive répressive qui remonte à 2015 et la loi Renseignement, déjà attentatoire à la protection des sources des journalistes, garantie par la loi de 1881, cette nouvelle menace arrive dans un contexte très inquiétant pour la liberté d’informer en France.

Depuis le 17 novembre et le début du mouvement des « Gilets jaunes », les violences exercées contre des reporters de terrain, condamnées par les organisations syndicales, n’ont suscité de ce gouvernement qu’indignation sélective et inaction : indignations contre les violences de certains manifestants, déni des violences policières exercées en marge des manifestations contre des photographes et/ou vidéastes couvrant le mouvement social.

On ne compte plus les journalistes bousculés, matraqués, gazés, blessés par des tirs de LBD ou des éclats de grenades de désencerclement, le matériel de protection confisqué, les appareils photos cassés. Et les arrestations aux relents arbitraires. Les nombreux signalements à l’IGPN d’incidents divers n’ont pas, à ce jour, été suivis d’effets.

Protection des sources malmenée

Enfin, ces dernières semaines, la tentative de perquisition des locaux de Mediapart, et les auditions de huit journalistes par les services de la DGSI dans le cadre des Yemen Papers, et de l’affaire de Benalla ont démontré que la protection des sources des journalistes, pierre angulaire de la liberté de la presse, était une notion étrangère au ministère public et niée par les pouvoirs publics.

Rongée par une précarité galopante, malmenée par une partie des employeurs qui ne respectent pas le Code du travail et la convention collective, la profession n’a pas besoin de muselière. Elle réclame au contraire un respect de son statut, des conditions de travail et des moyens dignes de sa mission d’information du public, de nouveaux outils pour renforcer son indépendance, sa crédibilité, et reconquérir la confiance du public, à l’heure de la concentration des médias, du tout-numérique, et du tout-info-en-continu. Elle réclame enfin de vraies mesures pour garantir le pluralisme des médias.

Nous, représentants des syndicats de journalistes, des sociétés de journalistes, des sociétés de rédacteurs, des collectifs et des associations, journalistes permanents ou rémunérés à la pige, photographes, vidéastes, titulaires d’une carte de presse ou non, nous dénonçons l’ensemble de ces atteintes à la liberté d’informer, et mettons en garde les parlementaires sur les dangers d’une réforme de la loi de 1881.

Signataires :
Les syndicats de journalistes SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes et SGJ-FO ;
les sociétés de journalistes (SDJ) de TV5MONDE, RFI, France 2, France Culture, FranceInfoTV, M6, Premières Lignes, 20Minutes, Challenges, Les Echos, Le Figaro, BFMTV, Télérama, Courrier International, RTL, RMC, LCP, Le Parisien, France Info, France 24, TF1, France Inter, L'Express, la Tribune, le JDD, Paris Match, Mediapart ;
la Société des journalistes et du personnel de Libération ;
la Société des personnels de L'Humanité ;
les Sociétés de rédacteurs (SDR) de L'Obs, France Soir, Europe 1 ;
la société civile des journalistes de Sud Ouest ;
l’Union des Photographes professionnels ;
les collectifs Informer n'est pas un délit, YouPress, Les Incorrigibles, Extra Muros, Profession : Pigiste, le collectif des collectifs Ras la Plume ;
l’Association de la Presse Judiciaire (APJ), l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS), l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF), l’Association
l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI), l’Association des journalistes Nature et Environnement (AJNE), l’Association des journalistes européens (AEJ) ;
la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) ;
les clubs de la presse de Bretagne et d'Occitanie.

vendredi 18 janvier 2019

Les citoyens ont le droit de manifester, les journalistes celui d’informer !

Insultes, confiscations de matériels, coups de matraques, tirs tendus de LBD (lanceurs de balles de défense), tabassages, menaces de mort... Depuis mi-novembre 2018, la mobilisation des “gilets jaunes” a donné lieu à de multiples agressions de journalistes - reporters d'images,rédacteurs, vidéastes ou photojournalistes - et d'équipes de reportage, tant de la part de manifestants que de membres des forces de l’ordre.

La montée des violences contre les reporters est extrêmement grave et préoccupante, comme le sont évidemment toutes les violences arbitraires, quels qu’en soient les auteurs. Qu’on soit manifestant ou qu’on soit policier, on ne peut pas prétendre défendre la liberté et attaquer le journalisme.

La liberté de la presse et le suffrage universel sont indissociables, attenter à l’une c’est attenter à l’autre. Entraver les journalistes dans leur travail, c’est empêcher les citoyens d’être informés, c’est porter atteinte au pluralisme et menacer la démocratie.

La critique de la presse est légitime mais aucune colère ne saurait justifier la violence contre les journalistes, qui sont confrontés eux-mêmes à des conditions de travail difficiles.

Face à cette situation inédite, les associations, collectifs, sociétés de journalistes, ONG et syndicats de journalistes en appellent à un sursaut citoyen, tant dans les rangs du mouvement des « gilets jaunes » qui se revendiquent de la citoyenneté, que dans les rangs policiers.

En France, le droit d’informer est un droit fondamental, au même titre que le droit de manifester.

Nous lançons un appel pour une mobilisation citoyenne afin de mettre fin aux violences commises contre les journalistes. Les citoyens ont le droit de manifester, les journalistes celui d’informer, au service de tous.

À l'initiative de :

Agence Le Pictorium (agence de photojournalistes)
Agence Hans Lucas
Agence de presse photo, IP3 Press
Association des journalistes économiques et financiers (AJEF)
Association des journalistes parlementaires (AJP)
Agence de photographes MYOP
Association de photojournalistes Divergence-Images
CFDT Journalistes
Collectif OEIL
Collectif de photojournalistes indépendants Haytham Pictures
Collectif de photographe ITEM
Fédération Européenne des Journalistes (FEJ)
Fédération internationale des journalistes (FIJ)
Le Club de la Presse de Bretagne
Union des photographes professionnels (UPP)
Reporters sans frontières (RSF)
RIVA Press
Société civile des journalistes de "Sud Ouest"
SDJ de BFM TV
SDJ de Challenges
SDJ Les Echos
SDJ de L'Express
SDJ du Figaro
SDJ de France Inter
SDJ de France 3 (national)
SDJ France info
SDJ de franceinfo TV
SDJ de franceinfo.fr
SDJ de France 2
SDJ du JDD
SDJ de LCP
SDJ de M6
SDJ du Parisien-Aujourd’hui en France
SDJ de Premières Lignes
SDJ de Radio France
SDJ de RFI
SDJ de RMC
SDJ de RTL
SDJ de TF1
SDJP de Libération
SDR de CNEWS
SDR d’Europe 1
SDR du Monde
SDR de l’Obs
SDR du Point
Syndicat national des journalistes (SNJ)
SNJ-CGT

mardi 15 janvier 2019

Non, la presse ne doit pas être un bouc émissaire !

Depuis quelques semaines, un peu partout en France, lors des manifestations des « gilets jaunes », des journalistes sont empêchés d’exercer, insultés, malmenés physiquement, voire blessés, par des manifestants et/ou des policiers. Des journaux font face à des intimidations et à des blocages de parution. Sur les réseaux sociaux, les invectives sont légion à l’encontre des médias. Et la liste des atteintes à la liberté de la presse s’allonge inexorablement. Le simple constat qu’il faille désormais à des journalistes des agents de protection pour espérer rentrer sains et saufs à leur rédaction est inadmissible.

Dans un climat de défiance vis-à-vis des médias, la critique est nécessaire. La presse n’est pas exempte de reproches. Et les journalistes sur le terrain sont les premiers à s’interroger au quotidien sur la manière la plus juste et la plus honnête de couvrir l’actualité. Mais aucune défiance vis-à-vis de la profession, quelle qu’elle soit, ni désaccord avec une ligne éditoriale, un titre ou un reportage ne peuvent justifier les violences de ces dernières semaines. 

Empêcher les journalistes de faire leur travail, c’est empêcher les citoyens d’être informés, c’est tout simplement menacer la démocratie.

Les Sociétés de journalistes (SDJ) et Sociétés de rédacteurs (SDR) de nombreuses rédactions, des associations de journalistes, des syndicats, ainsi que le collectif Informer n'est pas un délit et Reporters sans Frontières (RSF) condamnent de la manière la plus ferme les violences.

Ils rappellent avec force que la liberté d’informer est fondamentale et indispensable à une démocratie saine. Les journalistes sont là pour rapporter les informations, y compris dans les pays où la liberté de la presse n’existe pas. Ils apportent leur soutien à l’ensemble des journalistes et accompagnants qui, ces dernières semaines, ont été agressés ou blessés en couvrant des mobilisations de « gilets jaunes ».

Signataires :
Les Sociétés de journalistes (SDJ), Sociétés de rédacteurs (SDR) ou Société civile des journalistes de : l'AFP, Challenges, La Tribune, Le Figaro, Le JDD, Le Monde, Le Parisien-Aujourd'hui en France, Le Point, Les Echos, L'Express, Libération, L'Obs, Paris Match, Premières lignes, Télérama, Sud-Ouest, 20 Minutes, M6, France Info, Franceinfo.fr, France Inter, Europe 1, Radio France, RFI, RTL, BFMTV, Cnews, Franceinfo TV, France 2, France 3, France 24, LCP, TF1, Reporters sans frontières (RSF), L'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), l’Association des journalistes parlementaires (AJP), l’Association des journalistes médias (AJM), l'Association de la presse judiciaire (APJ), l'Association de la presse présidentielle (APP), le collectif Informer n'est pas un délit, Le Syndicat national des journalistes (SNJ), le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), la CFDT-journalistes.

lundi 14 janvier 2019

Agression d'une équipe de LCI

La SDJ de M6 apporte tout son soutien aux confrères de LCI agressés lors des manifestations des "Gilets Jaunes" organisées ce Samedi 12 Janvier 2019. Voici le communiqué de leur SDJ publié Dimanche :

"La société des journalistes de TF1 apporte son soutien à nos collègues journalistes de LCI qui ont subi des violences intolérables ainsi qu’à leurs agents de protection, malheureusement aujourd’hui indispensables à nos côtés pour nous permettre d’exercer notre métier.

Alors qu’ils couvraient la manifestation des Gilets jaunes hier à Rouen, une équipe de journalistes et leurs agents de protection ont été roués de coups dans un déchaînement de violence inadmissible. Une plainte a été déposée, nous espérons que leurs auteurs seront identifiés et jugés. Une autre équipe de la chaîne a été molestée à Paris, ainsi que de nombreux confrères d’autres rédactions dans différentes villes.

Aucune colère, aucune revendication ne peuvent justifier qu’un journaliste ne soit blessé ou agressé parce qu’il fait son travail. Dans un climat de défiance envers les médias, les reporters ne doivent pas être les défouloirs de manifestants irresponsables et haineux. La critique est nécessaire mais la violence est inexcusable.

Depuis des semaines, les violences, les intimidations et les blocages de parutions se multiplient à l’encontre de nombreux journalistes et publications, la société des journalistes de TF1 apporte son soutien à l’ensemble des rédactions et de ses confrères concernés et réaffirme que la liberté d’informer est fondamentale et indispensable à une démocratie saine."