Nous, collectifs,
journalistes, médias, organisations non gouvernementales, apportons
notre soutien aux journalistes et organisations qui comparaissent les 25
et 26 janvier 2018.
Ce jeudi 25 janvier 2018 s’est ouvert un procès contre trois journaux (Mediapart,
L’Obs,
Le Point)
et deux ONG (Sherpa et ReAct), attaqués en diffamation par la holding
luxembourgeoise Socfin et sa filiale camerounaise Socapalm, pour des
articles relatant les mobilisations de villageois et d’agriculteurs
ouest-africains voisins d’exploitations gérées par ces deux sociétés.
Celles-ci sont fortement liées au groupe Bolloré, Vincent Bolloré
lui-même siégeant au sein de leurs conseils d’administration.
Ce procès marque une nouvelle étape dans les poursuites judiciaires
lancées par le groupe Bolloré et ses partenaires contre des médias, des
organisations non gouvernementales ou des journalistes, qui ont évoqué
les coulisses de ses activités économiques et commerciales en Afrique,
ses liens avec la holding luxembourgeoise Socfin et les conséquences des
acquisitions de terre à grande échelle.
Depuis 2009, pas moins d’une vingtaine de procédures en diffamation
ont ainsi été lancées par Bolloré ou la Socfin en France et à l’étranger
– pour contourner la loi de 1881 sur la liberté de la presse – contre
des articles, des reportages audiovisuels, des rapports d’organisations
non gouvernementales, et même un livre. France Inter, France Culture,
France Info, France 2, Bastamag,
Libération, Mediapart,
L’Obs,
Le Point,
Rue 89, Greenpeace, React, Sherpa… Plus d’une quarantaine de
journalistes, d’avocats, de photographes, de responsables d’ONG et de
directeurs de médias, ont été visés par Bolloré et ses partenaires.
Au vu de leur ampleur, nous estimons que ces poursuites judiciaires
s’apparentent à des «poursuites-bâillons». Ces procédures lancées par
des grandes entreprises multinationales sont en train de devenir la
norme. Apple, Areva, Vinci ou Véolia ont récemment attaqué en justice
des organisations non gouvernementales ou des lanceurs d’alerte. En
multipliant les procédures judiciaires dans des proportions inédites –
quitte à les abandonner en cours de route –, le groupe Bolloré en a fait
une mesure de rétorsion quasi-automatique dès lors que sont évoquées
publiquement ses activités africaines. Ces attaques en justice contre
les journalistes viennent s’ajouter à d’autres types d’entraves à la
liberté de la presse dont est désormais coutumier le groupe Bolloré. En
2014, son agence de communication Havas avait par exemple supprimé 7
millions d’euros de publicité au journal
Le Monde suite à une
enquête sur ses activités en Côte d’Ivoire. Sans oublier la
déprogrammation ou la censure de plusieurs documentaires que Canal+
(groupe Vivendi) devait diffuser.
Ces poursuites systématiques visent à faire pression, à fragiliser
financièrement, à isoler tout journaliste, lanceur d’alerte ou
organisation qui mettrait en lumière les activités et pratiques
contestables de géants économiques comme le groupe Bolloré. Objectif :
les dissuader d’enquêter et les réduire au silence, pour que le «secret
des affaires», quand celles-ci ont des conséquences potentiellement
néfastes, demeure bien gardé. C’est l’intérêt général et la liberté
d’expression qui sont ainsi directement attaqués. Les communautés
locales, les journalistes, les associations, les avocats, ou les
lanceurs d’alerte : tous les maillons de la chaîne des défenseurs de
droits sont visés par ces poursuites.
Nous, collectifs, journalistes, médias, organisations non
gouvernementales, apportons notre soutien aux journalistes et
organisations qui comparaissent les 25 et 26 janvier, et à tous les
acteurs poursuivis dans le cadre de ces poursuites-bâillons. Des
réformes devront être proposées en France pour imiter d’autres pays
comme le Québec, ou certains États des États-Unis ou d’Australie, vers
un renforcement de la liberté d’expression et une meilleure protection
des victimes de ces poursuites baillons.
Informer n’est pas un délit ! On ne se taira pas !
http://www.liberation.fr/france/2018/01/24/face-aux-poursuites-baillons-de-bollore-nous-ne-nous-tairons-pas_1624872
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/240118/face-aux-poursuites-baillons-de-bollore-nous-ne-nous-tairons-pas
Signataires : Jean-Pierre Canet
(journaliste), Maureen Grisot (journaliste), Benoît Collombat
(journaliste, Radio France), Nadia Djabali (journaliste), Elodie Guéguen
(journaliste, Radio France), Dan Israel (journaliste, Mediapart),
Julien Lusson (ancien directeur de publication, Bastamag), Jacques Monin
(journaliste, Radio France), Pierre Haski (journaliste, Rue89),
Jean-Baptiste Naudet (journaliste, L’Obs), Martine Orange
(journaliste, Mediapart), Fanny Pigeaud (journaliste), Nicolas Poincaré
(journaliste, Europe 1), Isabelle Ricq (photographe), Jean-Baptiste
Rivoire (journaliste, Canal+), Agnès Rousseaux (journaliste, Bastamag),
Ivan du Roy (journaliste, Bastamag), David Servenay (journaliste),
Nicolas Vescovacci (journaliste), Tristan Waleckx (journaliste, France
2)
Médias et organisations : Attac France,
Bastamag, collectif «Informer n’est pas un délit», Collectif «On ne se
taira pas», Crid, France Libertés, Greenpeace France, Ritimo, Sherpa,
Survie, Mediapart, ReAct, Reporters sans frontières, SDJ de France 2,
SDJ de Radio France, SDR de l’Obs, Union syndicale Solidaires
Sociétés des journalistes ou des rédacteurs de : AFP, BFM TV,
Challenges, Les Echos, Europe 1,
Le Figaro,
L’Express, France 2, France 3,
Le Monde,
L’Humanité,
Libération,
L’Obs, Mediapart, M6,
Le Point, Premières Lignes, Radio France, RTL, RMC,
Télérama, TF1, TV5Monde, La Vie